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Édition #14 — 23 juin 2019

Cher ami du whisky,

Après vous avoir présenté la Scotch Malt Whisky Society dimanche dernier, passons au concret et parlons whisky.

On ira d’abord explorer ce qui permet à la society d’offrir une expérience whisky singulière et fort agréable. On vous dira aussi pourquoi on adore cet embouteilleur, ou plutôt ce club, pourquoi on a sauté le pas (#spoil), mais surtout, on vous présentera 5 whiskies tout nouveaux qu’on a pu goûter lundi dernier.

Bonne lecture,

Julien & Robin

Around the malt

Un peu de culture whisky – Par Robin

La SMWS, une expérience whisky bien à part

Dans notre première édition sur la « Scotch Malt », on vous avait d’abord précisé que tous les whiskies proposés par la society sont des single malts, embouteillés bruts de fûts, non-filtrés à froid et issus d’un fût unique. Et ça, c’est déjà une chouette expérience en soi. Mais ce n’est que le début.

La suite, c’est d’abord le code inscrit sur la bouteille, dont on avait aussi parlé dimanche dernier. Si ce code avait été introduit pour des raisons légales, il présente un vrai intérêt : celui d’éliminer tout préjugé qu’on pourrait avoir face à un whisky de telle ou telle distillerie. Ainsi, vous pouvez vous retrouver face au whisky 44.100 sans savoir d’où il provient, et vous concentrer sur le moment présent, sur ce que vous êtes entrain de déguster, sans être influencé par vos préjugés ou vos souvenirs de précédentes dégustations.

Distillerie #137, premier fût. En l'occurence, le premier whisky anglais embouteillé par la SMWS.

Je trouve qu’on a d’ailleurs tout intérêt à cultiver ce côté éphémère des whiskies de la SMWS, car à moins que vous en ayez acheté une bouteille, il est fort probable que vous ne regoutiez plus jamais au whisky que vous êtes entrain de déguster. Alors autant prendre du plaisir dans l’instant présent sans penser à une hypothétique prochaine fois 😉

C’est d’ailleurs pour cette raison qu’on ne prend presque jamais de notes de nos dégustations de la SMWS, seulement quelques impressions. Et ça n’empêche pas les souvenirs de se graver dans nos têtes. On se souvient par exemple encore très clairement de notre première fois avec le « A perfect moment » l’été dernier (on découvrait alors la SMWS avec celui-ci) ou du « A journey into joy » dégusté quelques semaines après. On les avait tellement aimé qu’on a nommé deux rubriques de cette newsletter en leur honneur.

Si on a eu la chance de regouter au premier par la suite (le Hopscotch en avait encore en stock), on n’a jamais pu remettre la main sur le second. Tristesse et frustration ? Un peu oui, mais c’est surtout l’occasion d’essayer autre chose, de se faire surprendre à nouveau, et de se rajouter un petit souvenir en tête 😌

Cette parenthèse philosophique refermée, revenons à nos whiskies de la SMWS. Si elle n’en précise pas la provenance exacte, la society indique malgré tout la région ou le pays d’origine. Bien que cette mention puisse aussi conduire à des préjugés (essayerez-vous ce whisky indien si je vous dis d’où il vient ?), elle est malgré tout présente sur l’étiquette mais inscrite en petits caractères discrets. Tout comme le type de fût utilisé pour la maturation et/ou la finition.

L’âge du whisky apparait en plus gros ; mais ce qu’on repère le mieux à vu d’oeil sur la bouteille, c’est son design et les couleurs utilisés, ainsi que le « petit nom » donné au whisky.

Afin d’aiguiller l’amateur dans son expérience de dégustation, la SMWS a mis en place, il y a deux ans, une catégorisation de ses whiskies selon leur profil aromatique, chacun d’eux étant représenté par une couleur. 12 couleurs pour 12 profils dont vous trouverez les noms ci-dessous et les détails ici.

J’adore cette classification par profil. Parce qu’au lieu de choisir son whisky selon une distillerie ou une région, ce qu’on fait habituellement, on choisit ici selon un profil aromatique qu’on apprécie ou qu’on souhaite découvrir. Vous voulez un whisky tourbé ? Ok, alors vous aurez le choix entre Lightly Peated, Peated ou Highly Peated. Et ensuite, à vous la découverte !

La dernière chose qu’on apprécie sur les bouteilles de la SMWS, c’est le « petit nom » donné au whisky par la society, qui lui adjoint une délicieuse description à peine tirée par les cheveux. Revenons à ce « A perfect moment », un whisky de 20 ans au profil Oily & Coastal. Déjà, son nom invite à l’essayer. Ensuite, la description longue, en version originale :

« Aromas filled the room in a harmonious fusion as scallops and king prawns drifted alongside smoked duck and walnut bread. A sticky sweetness was present with honey and treacle tart that seemed to be perfectly complimented by toasted pine nuts and strong black tea. Behind the sticky black tar and charcoal of the palate sat sweet carrots and parsnips roasted in honey and herbs. Water took us on a more maritime tour with smoked lobster and mussels in almond oil and balsamic glaze. Down to the finish of salted butter, liquorice sweets and sausage casserole, everything combined in one perfect moment of unity. This whisky previously inhabited an ex-bourbon hogshead. »

Si avec ça vous ne courrez pas au Hopscotch voir s’il leur en reste un peu… 😉

The Flying Scotsman​

Des reportages quasi-journalistiques – Par Robin

La sélection et la diversité des whiskies de la SMWS

La « Scotch Malt » a beau avoir soigné son marketing et l’expérience de dégustation, elle s’appuie avant tout sur deux piliers.

Le premier, c’est son comité de dégustation. Ce comité, composé de nombreux membres anonymes, se réunit deux à trois fois par semaine, à 10h00, en effectif réduit (5 ou 6 membres, qui changent à chaque fois) pour déguster généralement 7 whiskies. Pourquoi 10h00 ? Car c’est a priori le moment de la journée où notre palais est à son meilleur pour déguster et ressentir toutes les subtilités du whisky.

Durant cette séance, chacun évalue chaque whisky en prenant des notes de dégustation qui doivent être créatives et amusantes tout en décrivant les caractéristiques du whisky. Ces notes, écrites dans un style caractéristique, font souvent référence à des souvenirs de vie, à un gâteau d’enfance, à un lieu…

Les notes du comité sont ensuite, parait-il, synthétisées par l’équipe marketing pour être résumées en une version courte affichée sur l’étiquette ; mais on retrouve la version complète sur le site. Quant au titre, il est apparemment choisi immédiatement pendant la séance de dégustation.

Le comité donne aussi une note sur 10 à chaque whisky. Seuls ceux qui recueillent une note moyenne supérieure à 8/10 seront sélectionnés pour être embouteillés. Les autres resteront en fût plus longtemps, ou seront transvasés dans un autre fût pour leur ajouter une caractéristique particulière.

Ce qui nous amène au second pilier : les entrepôts de la SMWS. La society ne se contente plus d’embouteiller des fûts qu’elle vient juste d’acheter, comme elle le faisait à ses débuts. Elle gère aussi certaines finitions. Son assise lui permet désormais d’acheter des fûts pleins qu’elle n’embouteillera pas sur le champ mais qu’elle conservera plutôt dans ses entrepôts ; et des fûts vides qu’elle pourra utiliser pour ses propres expérimentations. Ces nouvelles finitions permettront d’apporter de nouvelles nuances au whisky et, peut-être, de donner une combinaison d’arômes incroyable et unique en son genre. Il y a quelques années, la SMWS avait par exemple sorti le tout premier Scotch whisky fini en ex-fût de gin.

Et si on multiplie les 65 à 70 types de fûts qui se cotoient aujourd’hui dans les entrepôts de la society, par les 137+ distilleries chez lesquelles la SMWS s’approvisionne, ça en fait des aventures à vivre 😉

Master blender

Nos coups de coeur, nos soirées dégustation, nos critiques, etc… – Par Robin

Pourquoi on adore... et pourquoi on a sauté le pas

En fait, on vient de donner la plupart des raisons qui font qu’on adore la SMWS. Voici un résumé :

  1. Pour ses whiskies incroyables d’abord, dans leur plus pure expression et avec une grande diversité (20 nouveaux whiskies par mois : des jeunes, des vieux, de tous profils).
  2. Pour l’étendue des expérimentations possibles — et donc des découvertes qu’on peut y faire.
  3. Pour son marketing léché mettant le produit au centre, tout en poésie.
  4. Pour l’expérience de dégustation, axée sur les profils aromatiques.
  5. Et enfin, pour le caractère éphémère de leurs whiskies, limités à quelques centaines de bouteilles

Et ce sont ces raisons qui nous ont poussé à sauter le pas et à adhérer à la SMWS à l’occasion du Toulouse Whisky Festival. L’adhésion annuelle seule est à 75€ environ, mais la society propose souvent des packs comprenant l’adhésion et une bouteille ou un ensemble d’échantillons. Elle proposait par exemple une offre « adhésion d’un an + bouteille » à 105€ au TWF.

Voici les bénéfices qu’offre une adhésion :

  • La possibilité d’acheter des bouteilles (ou échantillons) sur leur site
  • L’accès aux bars de la SMWS à Edimbourg et Londres (avec jusqu’à 3 invités)
  • Des prix promotionnels sur leurs whiskies dans leurs bars partenaires
  • Des prix promotionnels pour l’accès à leurs dégustations officielles
  • Et quelques goodies, comme un magazine mensuel ou, bien sûr, votre carte de membre pour frimer en soirée

Si on a sauté le pas, c’est d’abord pour le premier bénéfice, mais aussi parce qu’on prévoit d’aller faire un tour en Ecosse en octobre et que ce sera l’occasion parfaite d’aller enfin faire un tour dans un de leurs « espaces membres » !

Perfect moments

Nos notes de dégustation – Par Julien

A la découverte des sorties du mois de juin

Lundi dernier se tenait la toute première présentation toulousaine des sorties du mois de la SMWS, appelé outturn. Ça se passait au pub « The George & Dragon », et c’était la première fois que la SMWS organisait ce genre d’événement dans le Sud-Ouest. Une première fois qui reflète la notoriété encore limitée de la society en France, où le club ne compte que 300 membres sur ses 26000 au total. C’est très peu pour un pays pourtant à la première place du classement mondial des pays consommateurs de single malts. Gageons que ceci va évoluer…

La légende ne nous dit pas si George a terrassé le Dragon ce soir-là, mais une chose est sûre : Cyrille Girard, le brand ambassador de la SMWS, a su ravir nos papilles avec une superbe dégustation !

Elle comprenait 5 pépites, à déguster en accord mets & whiskies : un Campbeltown, trois Speyside et un Islay. Tous présentaient un profil aromatique différent.

Nous commençons logiquement par le plus jeune des cinq, au profil aromatique le moins complexe, affublé de la couleur rose des « Young & Spritely« . Il nous vient d’une des trois dernières distilleries de Campbeltown, Glen Scotia, dont il est le 107ème fut embouteillé par la SMWS, après avoir mâturé 7 ans en fût de bourbon de premier remplissage.

Clin d’œil à la façade très maritime de Campbeltown, qui est encore un port de pêche, ce whisky s’intitule humoristiquement « Flexing the mussels« , un jeu de mot entre « fléchir les muscles » et « fléchir les moules ».

Au nez, on le sent d’abord jeune et alcooleux mais quelques gouttes d’eau et minutes d’attente l’ouvrent joliment. On sent la vanille et même la crème anglaise, celle que l’on met dans l’île flottante. En bouche, on est sur les fruits un peu acides, peut-être des citrons, puis suivent des notes salines et iodées. La longueur est belle et la finale est indéniablement sur la réglisse. Couplé avec du chorizo, on est sur un amuse-bouche de qualité !

L’entrée arrive tout de suite avec une dimension salé-sucré car ce sera du comté et des abricots secs en accompagnement. Et là, j’annonce la première claque de la soirée.

La couleur mauve des « Deep, Rich & Dried fruits » montre le bout de son nez. Et quel nez, quel cap, quelle péninsule ! Ce 15 ans d’âge, distillé en juin 2002 à la distillerie de Craigellachie et fini pendant 1 an en fût de vin rouge re-toasté, est très rond, liquoreux et sirupeux, sur des fruits confits. La pomme au four gentiment caramélisée émerge nettement. La bouche amène un côté plus torréfié et crémeux, les fruits deviennent plus exotiques et la pomme au four laisse place à un délicieux banoffee. Décidément, ce « Cinnamon scented syrup » est superbe et une finale originale sur le cuir ne nous fera pas changer d’envie.

Le plat de résistance se nomme « A robotic woodsmith » — trait d’esprit que je ne saurais traduire — et porte le ruban violet, celui des « Sweet, fruity & mellow« . Il nous provient de la distillerie Cragganmore, une distillerie de taille moyenne appartenant à Diageo destinée principalement au blend, facilement reconnaissable par les amis des Classic malts pour son magnifique portail d’entrée en fer forgé.

De fines tranches de magret de canard fumé accompagnent délicieusement ce 16 ans d’âge distillé en juin 2002, qui a passé 14 ans en hogshead de bourbon puis deux années de finition en barrique de Moscatel, un vin blanc fortifié andalou qui est accessoirement l’apéritif préféré de ma chère maman.

C’est également une très belle réussite avec un nez sur la vanille et les fruits exotiques comme l’ananas et la papaye glissant sur le chocolat au lait. En bouche, une jolie menthe poivrée précède des herbes de montagnes et des petits fruits des bois. La finale longue est pavée de réglisse et un chocolat plus noir annonce innocemment la déflagration à suivre.

Parce qu’avec Romain, notre acolyte toujours dans les bons coups, nous n’étions vraiment pas prêts à recevoir l’uppercut malté qui nous attendait ! Ce n’est pas la violence des coups qui nous a mis à terre mais leur nombre et leur qualité.

Accompagné d’un chocolat aux éclats d’orange puis d’un autre plus noir, nous avons dégusté un Linkwood de 29 ans d’âge, distillé en octobre 1989 et ayant passé 26 ans en fûts de bourbon puis les 3 dernières années de sa maturation en barrique de sherry Pedro Ximénez. Un whisky qui nous a porté aux nues, gorgée après gorgée.

Le nez est sur les bonbons Haribo, le chocolat blanc sucré puis viennent de la grenadine et des arômes vineux. La bouche est incroyable : on se ballade à l’ombre des forêts de cacaotiers d’Amérique du Sud ou d’Asie du Sud-Est et chaque cabosse renferme un chocolat très noir à la douce amertume voire même encore plus gourmand comme quand on le déguste avec du vin rouge. C’est du grand cru en tablettes, un millésime d’exception de la SMWS qui répond au nom évocateur de « The chocolate and wine diet« . Divine et improbable, la longueur de la finale nous laisse avec le sourire béat et un peu idiot du bienheureux sur le visage.

C’est à ce moment-là que l’on se sent chanceux d’appartenir à ce club qui embouteille de si belles pépites.

Toute belle dégustation se terminant quasi immanquablement sur de la tourbe, nous prenons le ferry pour Islay. Ce « Sweet puff a of smoke » (ou « une douce bouffée de fumée » dans la langue de Molière), fait par Caol Ila, vient nonchalamment nous achever.

Un 10 ans d’âge, vieilli en fût de bourbon de second remplissage, qui est très surprenant pour une distillerie à la tourbe fine et délicate que je jumelle souvent avec sa consœur Bowmore et des fois avec Talisker, sa cousine éloignée sur Skye. Cette fois-ci, une tourbe toujours légère mais plus compacte vient clairement faire du gringue voire même draguer ouvertement madame Lagavulin. Des senteurs de viande puis de graisse de canard laqué nous entraine vers une tourbe un peu nuageuse s’élevant en petites volutes dans nos narines.

En bouche, c’est la première descente de la journée sur une piste noire pas encore damée où l’on se laisse tomber avec délectation dans une tourbe poudreuse et compacte. C’est un peu moins bon descente après descente car on est plus tout seul entre les piquets mais une jolie vanille naturelle vient contrebalancer le départ de la tourbe.

Une finale agréable sur le tabac sans nicotine et la menthe acidulée vient mettre le point final à la dégustation.

Il ne nous restait plus qu’à remercier Cyrille de la Scotch Malt Whisky Society pour ce moment de grâce, remercier le personnel du « George & Dragon » pour leur accueil chaleureux et demander avec envie quand sera le prochainement outturn sur Toulouse.

Si l’expérience vous intéresse, vous pouvez écrire à Cyrille à l’adresse cyrille.girard@smws.com. Il souhaite a priori organiser des dégustations de la SMWS presque tous les mois à Toulouse, et celles-ci sont aussi ouvertes aux non-membres.

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