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Édition #25 — 29 décembre 2019

Cher ami du whisky,

Samedi dernier, Julien et moi avons effectué une animation chez un caviste toulousain. C’était une première pour moi, une seconde pour lui. Pendant quelques heures et à tour de rôle, nous avons fait dégusté quelques whiskies aux visiteurs de ce caviste : une expérience bien sympa !

Ces whiskies appartenaient tous au groupe William Grant & Sons. Comme cette animation a été l’occasion de réviser un peu l’histoire de ce monsieur et de son groupe familial, on vous partage tout ça aujourd’hui.

Bonne lecture,

Robin

Around the malt

William Grant et ses whiskies

William Grant né en 1839 au coeur du Speyside, dans le village de Dufftown. A 27 ans, il devient comptable dans une distillerie du coin, Mortlach, et découvre sa vocation : un jour, il construira sa propre distillerie.

Après 20 ans de service à Mortlach, où il officiait comme directeur, il démissionne. Avec les économies d’une vie, qui s’élèvent à £775, il achète un terrain en 1886 à quelques hectomètres du centre de Dufftown. Le lieu-dit se nomme Glenfiddich (la « vallée des cerfs » en gaélique) et c’est ici que William Grant commence la construction de sa première distillerie. Elle dure un an, et c’est en 1887, le jour de Noël, qu’a lieu la toute première distillation à Glenfiddich.

Il y a 132 ans pile poil.

A gauche, William Grant et sa femme — A droite, la carte de Dufftown. Mortlach est juste au sud du centre-ville. Glenfiddich et les autres distilleries de Grant sont au nord.


Grant est loin d’être le premier à produire du whisky en Ecosse, mais avec ses descendants, il va faire plus que rattraper son retard dans le siècle suivant : premier single malt à s’exporter hors du Royaume-Uni (1963), première distillerie à s’ouvrir aux visiteurs (1969)… jusqu’à devenir un des poids lourds du Scotch avec son groupe, et même la première distillerie en terme de volume de production.

C’est en effet le titre qu’a détenu Glenfiddich pendant de nombreuses années : la plus importante distillerie du pays en volume annuel.

Elle a été dépassée par Glenlivet et Macallan ces dernières années, après d’importants travaux : capacité doublée chez la première et distillerie futuriste pour la seconde. Mais Glenfiddich devrait retrouver sa pole position très bientôt, puisqu’elle termine elle aussi de grands travaux.

Une représentation de la distillerie Glenfiddich.


Revenons à notre bon Will. Car son activité ne se limite pas à Glenfiddich. En 1892, il fonde une seconde distillerie juste à côté : Balvenie.

Puis quelques années plus tard, en 1898, il mélange les single malts de ses deux distilleries et créé le blend Grant’s — allant alors à contre-courant de l’industrie, puisque le whisky est en crise en Ecosse après la faillite de son plus gros producteur, Pattison. Grant’s est aujourd’hui un des blends les plus vendus dans le monde.

William Grant meurt en 1923 à 84 ans, mais son entreprise reste dans les mains de sa famille jusqu’à aujourd’hui.

En 1957, le groupe lance sa fameuse bouteille triangulaire qui aidera grandement à la renommée de Glenfiddich et de Grant’s.

En 1963, la troisième distillerie du groupe ouvre ses portes : Girvan. Elle produira un whisky de grain, ingrédient indispensable à l’élaboration des blends, et que William Grant & Sons ne parvient plus à se procurer en quantité suffisante. Girvan, qui fourni l’ingrédient principal du blend Grant’s, est installée très loin de Glenfiddich et Balvenie, dans les Lowlands, au sud de Glasgow, en bord de mer face à Campbeltown.

C’est sur ce site qu’en 2007, le groupe ouvre une nouvelle distillerie de malt, Ailsa Bay, qui a récemment sorti ses premiers single malts au packaging très réussi (on n’a pas gouté, mais on a senti le Sweet Smoke, et ça donne envie).

Ailsa Bay a été construite pour alléger la contribution de Balvenie aux blends du groupe, et lui permettre de mieux se développer sur le marché en plein boom du single malt ; Ailsa est donc censée reproduire le style de Balvenie, avec des alambics identiques.

Un des alambics à colonne de Girvan, tournant en 24/7. Moins sexy que les Pot Stills, hein ?

A ces distilleries s’ajoute aussi Kininvie dans le Speyside, fondée en 1990 — ce qui porte la capacité de production du groupe à près de 150M de litres d’alcool pur par an, dont une large majorité en provenance de Girvan :

Cette énorme capacité de production donne au groupe une grande puissance commerciale. Cela lui permet, au début des années 2000, de lancer de nouveaux produits. D’abord du gin, le Hendrick’s, inventé en 1999 par David Stewart, le légendaire master blender de Glenfiddich et Balvenie. Lancé en 2002, il est aujourd’hui produit à Girvan.
Puis du rhum, avec la marque Sailor Jerry lancée la même année.
Et enfin une nouvelle marque de whisky en 2005 : Monkey Shoulder. Ce blend premium est lui aussi composé de single malts produits par les distilleries de malt du groupe, en majorité Kininvie.

William Grant & Sons est aujourd’hui le numéro 3 du Scotch, derrière Diageo et Pernod-Ricard.

Perfect moments

Focus sur quelques whiskies du groupe

Après cette petite rétrospective, revenons sur les trois marques que nous avions entre les mains ce jour-là.

1. Glendiddich

Le 12 ans de Glenfiddich est un des premiers whiskies que j’ai gouté il y a bien longtemps, et je me souviens avoir été déçu. J’ai depuis un assez mauvais a priori de la marque au cerf, pas aidé par son marketing très tape à l’oeil. J’ai d’ailleurs l’impression que ce marketing trop gras porte préjudice à ce malt auprès des amateurs éclairés… mais ce n’est que mon avis.

Avec ses vieillissements en fût de bourbon, ses whiskies au profil léger sur la pomme et la poire, j’ai longtemps associé Glenfiddich et Speyside, réduisant cette dense région à ce seul profil (en mettant dans ce même sac les voisines de Cardhu ou Glen Moray par exemple). C’était bien sûr une erreur, tant le Speyside offre de diversité, mais je reste assez peu attiré par Glenfiddich aujourd’hui.

J’ai cependant été agréablement surpris par le Glenfiddich Fire & Cane, quatrième mouture de Glenfiddich dans sa « Expérimental serie« , après le IPA (fini en fût d’IPA donc), le XX (reproduction d’un mélange de 20 fûts sélectionnés par 20 experts mondiaux) et le Winter Storm (fini en fût de vin de glace).

Ce Fire & Cane est un mélange du 12 ans classique avec un Glenfiddich tourbé, le tout passé 3-4 mois en fût de rhum. Le résultat est plutôt agréable, avec une tourbe fine et de jolis arômes de fruits apportés par le rhum, le tout ayant une belle présence en bouche malgré les 43% d’alcool. Evidemment, ce n’est pas un whisky pour les grands amateurs de tourbe, mais ça reste un whisky sympa et facile d’accès.

Par contre, déception du côté du tant attendu Glenfiddich Grand Cru, ce whisky de 23 ans fini en fût de champagne et présenté en bouteille noire opaque dans un coffret clinquant. On l’a goûté tous les deux avec Julien, et nos appréciations convergent : c’est un whisky sympa mais pas mémorable, qui, pour nous, ne vaut ni son prix ni sa hype. A tel point qu’entre le Fire & Cane et le Grand Cru, on aurait du mal à sélectionner notre préféré, alors qu’ils sont incomparables lorsqu’on passe à la caisse…

2. Balvenie

Balvenie est beaucoup plus discrète et classieuse que sa voisine d’un point de vue marketing. Il faut dire qu’elle s’adresse davantage aux connaisseurs, là où Glenfiddich cible plutôt des novices. Balvenie est aussi plus gourmande dans ses vieillissements, utilisant allègrement des fûts de sherry ou de porto.

On a fait dégusté deux bouteilles ce jour-là. Deux 14 ans d’âge : le premier fini en fût de rhum et le second issu d’un malt tourbé.

Le Balvenie Caribbean Cask est très sympa, lui aussi fortement marqué par l’eau-de-vie de canne. Il a également beaucoup plus aux visiteurs, plus facile à boire que les autres. Le Week of Peat (en référence à l’unique semaine de l’année pendant laquelle Balvenie distille du malt tourbé) est lui aussi sympathique, avec une tourbe fine et fermière, très différentes des tourbes maritimes d’Islay.

Mon préféré chez Balvenie reste néanmoins le 15 ans vieilli en fût de sherry. Et je suis très curieux d’essayer le plus vieux de leur gamme classique, le 21 ans Port Wood.

3. Monkey Shoulder

Pour finir, détour par le second blend de la maison, le Monkey Shoulder. Avec ses jolies bouteilles, cette marque est un grand succès, élue en 2018 « best-selling Scotch whisky » par les bars haut-de-gamme du monde entier, devant l’incontournable Johnnie Walker.

On a pu constater ce succès samedi dernier avec la version tourbée qu’on faisait déguster ce jour-là : le Smokey Monkey, un blend tourbé conçu pour l’industrie du cocktail, pour laquelle il est resté une exclusivité pendant quelques temps. Malgré une tourbe assez rentre-dedans et peu de complexité, il a bien plu aux amateurs de tourbe.

Daily dram

Un premier salon du whisky à Nîmes le 26 janvier

On fini ce dimanche soir avec sur un autre sujet. On vous en avait parlé il y a quelques semaines, on a désormais plus d’infos : le salon Nîmes Whisky Passion, organisé par le bar à vin Carré Jazz, aura lieu le 26 janvier.

Voici son site web avec toutes les infos : https://www.nimeswhiskypassion.com/

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