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Édition #5 — 21 AVRIL 2019

Cher ami du whisky,

Cette fois ça y est, je suis de retour, et je prends le relais de Julien, qui a profité de ce long week-end pour aller faire bronzette. Alors oui, on est lundi midi, mais c’est encore un peu dimanche aujourd’hui, non ? 😬

En tout cas, je n’ai rien trouvé d’intéressant côté whisky au Vietnam : le seul spiritueux qu’ils produisent est l’alcool de riz, ici appelé « Ruou », là surnommé « Happy Water »…

Par contre, le Vietnam est un haut lieu de la production… de cacao ! Et vous le voyez venir l’enchainement ?

Eh oui, puisque on est en plein week-end de Pâques, on va vous parler de chocolat, et du mariage de ce met avec notre spiritueux préféré 😋

Et avec quel type de whisky l’accord chocolat-whisky est-il un incontournable ? Avec ceux fortement marqués par le sherry bien sûr ! Et paf, deuxième enchainement ! Appelez-moi PPDA 😅

Parce qu’après vous avoir parlé de fûts la semaine passée, nous irons à la rencontre de ce vin espagnol dont les fûts font le bonheur des distilleries d’Ecosse et d’ailleurs…

Bonne lecture,

Robin

Perfect moments

Nos notes et nos impressions de dégustation – Par Robin

Un pairing chocolat & whisky avec du Bowmore Darkest

Le chocolat est un incontournable lorsqu’il s’agit de créer des accords avec le whisky. On dit d’ailleurs que les chocolats haut-de-gamme proposent une palette aromatique qui n’a rien à envier à celle du whisky, les arômes de l’un sublimant ceux de l’autre.

Plutôt que de trop parler de théorie ici (ce qui vient plus bas sur le sherry est déjà assez costaud), je vais plutôt vous raconter les sensations vécues hier soir, lorsqu’en guise de conclusion d’une journée bien chargée, j’ai convié mon frère à un petit pairing whisky et chocolat.

J’avais mon plan en tête : profiter de ce week-end pascal & familial dans mon Lot natal pour effectuer ce pairing. La bouteille de Bowmore 15 ans Darkest qui s’endort dans le bar à vin paternel serait le cobaye idéal pour ce test. Un Islay oui, mais qui a passé 3 ans en fût de sherry après 12 années en fût de bourbon. Cette finition rend ce whisky beaucoup plus rond que son petit frère de 12 ans, avec une tourbe moins marquée.

Et côté chocolat, déguster le chocolat artisanal vietnamien ramené de mon voyage. Un chocolat créé par un chocolatier français installé au Vietnam et nommé Marou. Sa particularité ? Travailler uniquement avec des fèves de cacao d’origine unique (une origine = une région vietnamienne), faire ce qu’on appelle du « bean-to-bar » (assurer chaque étape de la transformation du cacao en plaquette de chocolat) et n’utiliser que deux ingrédients : des fèves de cacao et du sucre de canne.

C’était donc du chocolat de top qualité que j’avais là pour mon petit exercice. 

Sauf que, boulette !! J’ai oublié le chocolat à Toulouse 🤦

J’ai donc dû me rabattre sur ce que le supermarché d’à-côté proposait. J’ai pris un chocolat « extra noir » 70%, de Madagascar, produit par la marque suisse Carré Suisse. Certainement pas aussi intéressant qu’un chocolat artisanal, mais bien convenable pour ce premier test.

C’est parti ! Un dram de Bowmore, un carreau de chocolat. Une première lampée pour initialiser les papilles : en bouche, la tourbe est bien présente mais légère, enrobée dans une belle rondeur apportée par le passage en fût de sherry. J’y reconnais des fruits séchés/confits puis comme du caramel de fruit en fin de bouche. J’aime beaucoup ce whisky, mêlant adroitement tourbe d’Islay et rondeur du sherry.

Voyons ce que ça donne avec du chocolat. Je croque mon carreau puis je le laisse fondre tranquillement en bouche, comme un ami chocolatier m’avait expliqué il y a quelques années. C’est un peu long mais ça permet au chocolat de bien enrober la bouche. Puis tout de suite après, une lampée de Bowmore. D’abord, on trouve un ensemble super harmonieux : le whisky se marie super bien avec le chocolat, les arômes des deux se combinant en enveloppant bien la bouche. Je trouve que le fruit ressort davantage, plus acidulé et épicé ; sûrement un effet du chocolat. J’y trouve un peu de café et même du tabac ; l’alcool est par contre atténué. Sur la finale, je trouve du fruit confit mêlé dans les arômes de chocolat qui durent très longtemps.

Au final, j’ai adoré ce pairing : c’est très agréable, par contre c’est une toute autre expérience de dégustation. Par exemple, je serais pas forcément chaud pour faire une association whisky/chocolat avec un whisky que je ne connais pas encore. Quant au chocolat, j’aurais aimé un chocolat un peu plus fort, un peu plus amer, ce 70% manquant un peu de puissance face à cet Islay de caractère.

En tout cas, si vous hésitiez sur la façon de terminer ce gros repas de Pâques qui vous attend peut-être, voilà une petite idée 😉

Around the malt

Un peu de culture whisky – Par Robin

Le sherry sous toutes ses coutures

Commençons par le commencement : le sherry, c’est un vin.

Un vin fortifié espagnol, produit autour de la ville de Jerez de la Frontera, en Andalousie, à côté de Cadiz et une centaine de kilomètres au sud de Séville.

Le sherry ne s’appelle pas sherry partout dans le monde. En fait, il est généralement nommé d’après sa ville d’origine, Jerez ; ainsi, on le retrouve sous le nom de Xérès en France et de Jeres en Espagne. Le sherry, c’est simplement le nom anglophone de ce vin.

Pourquoi ? À cause d’une belle déformation du nom espagnol de ce vin : eh oui, « sherry » provient des tentatives de prononcer « jeres » par nos amis anglo-saxons 🙂

Mais revenons à notre vin. Un vin fortifié, c’est un vin dans lequel on ajoute de l’eau de vie après fermentation. Cela diffère des vins de liqueur que nous connaissons bien en France, comme le Pineau, le Floc ou le Macvin, pour lesquels l’eau de vie est ajoutée avant fermentation, donnant donc des vins très doux (l’ajout d’eau de vie avant fermentation a pour effet de bloquer cette fermentation, empêchant les sucres de se transformer en alcool).

Le sherry termine sa fermentation en titrant à 11-12% et est généralement sec; puis l’ajout d’eau de vie l’amène à des degrés plus élevés, entre 15% et 20% selon les variétés de sherry.

Trois cépages sont utilisés pour ce vin : le Palomino blanc, qui compte pour 90% de la production totale de sherry et donnera surtout des vins secs ; le Pedro Ximenez et le Moscatel, moins répandus et qui donneront des vins doux. Le sherry est donc un vin blanc, même si certaines variétés sont très oxydées.

On trouve deux grandes familles de sherry : les Finos et les Olorosos.

Les Finos sont plutôt légers : fortifiés à 15,5%, ils sont ensuite conservés en fûts de chêne dans une cave froide afin d’aider au développement d’un voile de levure (photo ci-dessus). Protégé par ce voile, le vin s’oxydera très lentement, conservera sa fraîcheur et gardera une couleur très pale (ce procédé est aussi utilisé dans le Jura pour le vin jaune). Les Finos titrent généralement entre 15% et 17% après vieillissement (quelques années) et sont secs, contenant moins de 5g d’alcool par litre.

Les Olorosos sont eux beaucoup plus chargés et ronds : fortifiés à 18-20%, ils sont conservés dans une cave chaude. Le degré alcoolique et la température empêchant la formation de voile de levure, le sherry s’oxyde beaucoup plus et sa couleur devient plus foncée, parfois carrément noire. Son vieillissement de 8 à 12 ans participe également au développement de composés aromatiques et d’une texture plus dense et plus épaisse que celle des Finos.

Dans la famille des Olorosos, on trouve plusieurs variétés de sherry : l’Oloroso d’abord, fait de Palomino. S’il titre à 17-20%, il reste presque aussi sec que les Finos. Il est cependant courant que du sucre lui soit ajouté pour des raisons commerciales, son nom changeant alors pour « Cream Sherry » (c’est lui qui est le plus répandu en Angleterre).
On trouve ensuite le Pedro Ximenez (abrégé PX) et le Moscatel, faits à partir des cépages du même nom. Ces vins sont très doux : s’ils titrent à un degré équivalent à l’Oloroso, leur concentration de sucre est beaucoup plus élevée, dépassant les 200 grammes de sucre par litre pour le Pedro Ximenez. A titre de comparaison, c’est assez similaire à un Jurançon ou à un Sauternes.

Par leurs spécificités, les fûts d’Oloroso (quelle que soit la variété) sont souvent utilisés pour la finition de whiskies.

Mais alors, pourquoi des fûts de vin espagnol ont-ils atterri en Ecosse ? Eh bien ce sera l’objet de notre second épisode, « le sherry et le whisky écossais », dimanche prochain !

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