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Édition #2 — 24 mars 2019

Cher ami du whisky,

On va être transparent : en lançant notre newsletter le jour de la Saint Patrick, on voulait vraiment parler d’Irlande.

Mais il nous manquait un petit quelque chose : un whiskey irlandais qu’on voulait déguster pour en parler dans cet email… mais qui était épuisé au Hopscotch 😭

Alors on a chamboulé le programme, on a parlé d’USA dans notre première édition  et on a décalé notre édition irlandaise à plus tard.

Et ce « plus tard », c’est aujourd’hui (on n’aura pas attendu très longtemps haha). Oui, car ce whiskey a, depuis, fait son retour dans notre QG, nous donnant la possibilité de déguster côte-à-côte trois irlandais dont on avait entendu beaucoup de bien : la famille des « Spot ».

C’est de ça dont on va vous parler aujourd’hui, accompagné d’un petit reportage à Dublin chez Teeling et de quelques notes sur les spécificités de la distillation à l’irlandaise. Newsletter un peu longue ce soir, on essaiera de faire plus court pour les prochaines 😉

Bonne lecture,

Robin & Julien

Perfect moments

Nos notes de dégustation – Par Robin

Green Spot, Yellow Spot, Red Spot

Single Pot Still Irish Whiskeys — 10 ans (approx.), 12 ans et 15 ans

Ça faisait un bon moment que ces whiskeys me faisaient de l’oeil. J’avais plusieurs fois entendu parlé du Green Spot, j’avais goûté au Red Spot une fois sans trop me concentrer dessus, et j’avais aussi entendu de belles choses sur le Yellow Spot. Une dégustation de ces trois frères côte-à-côte s’imposait donc.

Cette famille a une histoire un peu spéciale. Ils sont produits par la principale distillerie d’Irlande, la Midleton Distillery, née dans les années 1960 de la fusion de trois distilleries irlandaises majeures (dont Jameson qui distillait ces whiskies depuis leur naissance en 1887). Située à côté de Cork et appartenant au groupe Pernod-Ricard depuis 1988, Midleton produit de nombreux whiskies irlandais bien connus, dont Jameson, Paddy, Redbreast, etc.

La particularité de la « Spot family » est qu’une fois distillé par Midleton, le jus (il ne s’appelle pas encore whiskey) est mis dans les fûts d’un négociant dublinois, Mitchell & Sons. C’est ensuite lui qui les fait vieillir, qui les affine, puis qui les assemble, les embouteille et les distribue.

S’il existait dans le temps un Blue Spot de 7 ans, le Green Spot est désormais le plus jeune de la tribu, avec 10 ans d’âge environ.

Il est aussi le seul whiskey de Mitchell & Sons à n’avoir jamais cessé d’être produit depuis sa « création » en 1887. Il existe aujourd’hui trois versions du Green Spot : la classique, passée dans des fûts de bourbon et de sherry, et deux versions ayant connu, en plus, des finitions en fût de vin rouge (Château Léoville Barton dans le bordelais et Château Montelena en Californie). C’est la version classique que nous avons pu déguster.

Et c’était très sympa. Léger, rond et onctueux, et assez éloigné du cliché qu’on pouvait avoir des whiskies irlandais (merci le sherry). Un whiskey idéal pour un novice dont le palais n’est pas habitué à de forts pourcentages d’alcool (celui-ci titre à 40%) autant que pour un connaisseur amateur de whiskies subtils. On a trouvé qu’il fricotait gentiment avec certains jeunes écossais qu’on apprécie, Edradour ou Dalwhinnie par exemples.

A moins de 50€ la bouteille sur whisky.fr, il offre un très bon rapport qualité/prix. C’est clairement une valeur sure, et je serais bien curieux d’essayer les deux autres versions de ce Green Spot. En tout cas pour nous, le cadet de la famille était un beau démarrage dans notre dégustation 😋

Place ensuite au Yellow Spot. Deux années supplémentaires de vieillissement et un passage dans des fûts de Malaga — un vin doux espagnol — lui apportent une rondeur bien plus perceptible.

C’est tout à fait mon type de whisky. On sent bien le sherry, c’est chaleureux, onctueux et vraiment agréable. On parlait de fricotage pour le Green Spot, celui-ci me fait un peu penser à un jeune de Glendronach.

S’il est très sympa et que je conseillerais volontiers, je trouve la marche un peu haute côté prix, puisqu’il est quand même à 79€ sur whisky.fr (psssst : je l’ai aussi aperçu en vente à La Source à Toulouse). Si vous en voulez juste un verre, sachez que la bouteille est presque pleine au Hopscotch 😅

Place enfin au petit dernier, ou plutôt au plus âgé : le Red Spot, 15 ans dans les barriques et un passage dans des fûts ayant contenu du Marsala, un vin sicilien. Et en un mot : waouw !

Entre un nez très beurré faisant penser à un kouign amann, une bouche ronde, épicée et presque acidulée, et une finale looooongue et persistante, on est tombé sous son charme. On pourrait même le dire : on en est red dingue !

Il a l’air assez difficile à trouver en France actuellement (rupture de stock ?), mais le prix affiché sur whisky.fr (89€) est plutôt intéressant pour cette qualité. Disons que la faible différence de prix avec le Yellow m’inciterait à ajouter 10€ de plus pour m’offrir le Red.

The Flying Scotsman

Des reportages quasi-journalistiques
Par notre premier reporter invité : Jean-Pierre, papa de Julien

En visite à la Teeling Distillery à Dublin

« Si vous visitez Dublin à l’occasion d’un city break ou d’un match victorieux du XV de France (bravo les filles !!!) pour le tournoi des VI Nations, ne manquez pas la visite de la Teeling Whiskey Distillery.

Dans le quartier des Liberties à dix minutes à pied de Temple Bar, proche de Saint Patrick’s Cathedral et du Guinness Storehouse, la Teeling Whiskey Compagny a ouvert depuis 2015 sa propre distillerie indépendante. Même si la famille Teeling est liée au whiskey depuis plusieurs générations — l’aïeul Walter Teeling possédait déjà une distillerie en 1782 — cette ouverture est la première depuis 125 ans dans une capitale irlandaise qui a compté jusqu’à 36 distilleries. Elle constitue la renaissance, quasi au même endroit, d’une distillerie qui avait entièrement brulé, ce qui justifie le choix du phoenix comme emblème de l’unique distillerie en activité de la ville de Dublin.

La première visite démarre à 10 heures mais la distillerie ouvre au public à 9h30 et vous laisse tout le loisir de prendre une boisson au Phoenix Café, dans l’entrée, et de parcourir le hall avec une présentation très bien illustrée de l’histoire du whiskey dans la capitale irlandaise. Pour avoir visité plusieurs distilleries en Ecosse, je dois reconnaitre que le parcours est très pédagogique, notamment pour les non-initiés.

Mon coup de cœur ira encore pour des filles. Elles sont trois dames répondant aux prénoms d’Alison, Natalie et Rebecca, magnifiques Pot Stills inspirés par la forme et le style des alambics du 19ème siècle et fabriqués à la main par des maîtres artisans de Sienne, en Italie.

La visite se termine par une dégustation au choix du visiteur. Pour ma part j’ai choisi le Trinity Tasting Mat qui permet de gouter trois whiskeys.

Le premier, Teeling Small Batch m’a tout de suite emballé. Ce blend contient un fort pourcentage de single malt et a été affiné en fût de rhum. La bouche est très fruitée avec des notes de céréales vanillées.
Le second Teeling Single Grain m’a moins convaincu, à l’inverse de mes camarades de dégustation béarnais, producteurs de maïs entrevoyant une diversification à leur exploitation. Bientôt du whiskey au bistrot de Garlin ?
J’ai terminé avec le Teeling Single Malt, nommé meilleur single malt irlandais en 2015 par Whisky Magazine. Les fûts sélectionnés proviennent de diverses maturations de vins : sherry, Madère, Porto, Bourgogne blanc et cabernet-sauvignon.

Enfin, pour les amateurs avertis ou les nouvellement convertis, à la sortie, vous aurez la possibilité d’acheter quelques flacons à un tarif inférieur à celui du commerce local. A bon entendeur ! »

Around the malt

Un peu de culture whisky – Par Julien

Quelques notions de distillation à l'irlandaise...

Midleton produit des Single Pot Still Whiskies avec la famille des Spot ou le Redbreast, alors que Teeling produit un Single Grain et un Single Malt. Mais quelle est donc la différence ?

Still signifie alambic en anglais. Et pourtant, le Single Pot Still ne tire pas son nom de l’alambic, car les deux distilleries citées ci-dessus utilisent le même type d’alambic, un alambic charentais en cuivre appelé Pot Still en anglais, qui ressemble à ceux que vous pouvez voir sur la photo de Teeling.

En Irlande, son utilisation remonte au 18ème siècle et fut à l’origine de la renommée internationale que connut le whiskey irlandais jusqu’en 1920. Il fut aussi à l’origine de son déclin, dépassé par les alambics à colonne utilisés largement en Ecosse pour produire du whisky bas de gamme.

Si les alambics charentais ont depuis repris du poil de la bête et sont redevenus majoritaires en Ecosse (et en Irlande), ce ne sont donc pas eux qui expliquent le nom de Single Pot Still.

C’est dans la composition du whiskey qu’il faut chercher l’origine du nom. Alors que le Single Malt est composé uniquement d’orge maltée, le Single Pot Still est composé à parts plus ou moins égales d’orge maltée et d’orge non-maltée.

Historiquement, ce type de whiskey a été « inventé » afin d’éviter de payer trop de taxes sur le malt. Cette taxe, instaurée par la monarchie britannique en 1785, visait essentiellement les brasseurs et fut imposée afin de renflouer les caisses de la Couronne. Même si cette taxe disparut par la suite, le succès gustatif de cette recette perdura et devint une des pierres angulaires du whiskey irlandais.

Aujourd’hui, la quasi-totalité des Single Pot Still sont produits par la distillerie Midleton dont Robin parlait plus haut. Mais la renaissance du whiskey irlandais depuis les années 2010 commence à faire des émules et la distillerie de Dingle, dans le Kerry, est devenue en 2017 la première distillerie irlandaise à lancer un nouveau Single Pot Still Whiskey depuis des décennies.

Pour finir, notons que le whiskey irlandais connaît généralement trois distillations dans ces Pot Still (d’où les trois alambics chez Teeling, un pour chaque distillation) alors que le Scotch n’est distillé que deux fois.

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